LES CATHARTIDES
Les vautours du  Nouveau Monde
      Urubus, Condors et  Sarcoramphe roi
Les vautours du Nouveau Monde  vont et viennent d’un ordre à l’autre, des Ciconiiformes, en passant par les Falconiformes  et les  Cathartiformes, jusqu’aux  Accipitriformes où ils se trouvent actuellement.  
  Ces rapaces ont une apparence  différente des vautours du Vieux Monde (Famille des Accipitridés) car ils  descendent probablement de lignées séparées. Cependant, ils ont développé des  styles de vies similaires, avec les mêmes comportements alimentaires,  reproducteurs, nidificateurs et en vol. 
Les deux  groupes comprennent des rapaces qui figurent parmi les plus grands oiseaux  volants tels que les Condors des genres Gymnogyps et Vultur aux Amériques, et les  vautours du genre Gyps dans notre  Vieux Monde. Ils ont plutôt le plumage sombre, une collerette claire, la face  nue et un bec crochu puissant.  
    Mais  nous trouvons aussi des oiseaux moyens à grands dans chaque groupe, tels que le Sarcoramphe roi (Sarcoramphus papa)  dans le Nouveau Monde, et le Vautour à  tête blanche (Trigonoceps occipitalis) et le Vautour oricou (Torgos tracheliotus) dans le Vieux Monde. Ces  rapaces présentent souvent des plumages aux couleurs plus vives. 
    Et  enfin, les deux groupes comprennent aussi des rapaces plus petits comme l’Urubu noir (Coragyps atratus) et l’Urubu à tête rouge (Cathartes aura)  dans le Nouveau Monde, et le Vautour  charognard (Necrosyrtes monachus) et le Vautour percnoptère (Neophron percnopterus) dans le Vieux Monde. Ces  rapaces plus petits ont des becs plus fins et moins puissants. 
Texte de Nicole Bouglouan
Photographes :
Didier Buysse
  Vision d’Oiseaux
Alfredo Colón
    Puerto Rico Wildlife
Dechelle Maxime 
    LEPAPARRAZO
Jean Michel Fenerole 
      Photos d’Oiseaux
Tom Grey
  Tom Grey's Bird   Pictures
Patrick Ingremeau 
   TAMANDUA
Eduardo Andrés Jordan 
    MIS AVES – AVES DE   ARGENTINA
Tom Merigan
  Tom Merigan’s Photo   Galleries
Bob Moul
      Nature   Photography
Philippe et Aline Wolfer
  GALERIE
Nicole Bouglouan
  PHOTOGRAPHIC RAMBLE
Sources :
HANDBOOK OF THE BIRDS OF THE WORLD Vol 2 by Josep del Hoyo-Andrew Elliot-Jordi Sargatal - Lynx Edicions - ISBN: 8487334156
A GUIDE TO THE BIRDS OF MEXICO AND NORTHERN CENTRAL AMERICA by Steve N. G. Howell, Sophie Webb - Oxford University Press - ISBN: 0198540124
A GUIDE TO THE BIRDS OF COLOMBIA by Steven L. Hilty and William L. Brown - Princeton University Press – ISBN 069108372X
BIRDS OF THE GREAT BASIN – by Fred A. Ryser - Univ of Nevada Pr -ISBN: 0874170796
Wikipedia (Wikipedia, The Free Encyclopedia)
SORA Searchable Ornithological Research Archive (Blair O. Wolf)


En  dehors du langage technique de l’ADN et des errements de ces rapaces d’un ordre  à l’autre à cause de ressemblances avec d’autres espèces, une chose est en fait  très intéressante : des fossiles des vautours du Vieux Monde ont été  trouvés en Californie, montrant que ces grands rapaces ont disparu récemment,  il y a environ 10 000 ans. 
    Cependant,  les fossiles des vautours du Nouveau Monde trouvés chez nous sont beaucoup plus  anciens car ils datent d’environ 20 millions d’années.  
Les  Cathartidés ont un bec crochu aux bords coupants, bien adaptés à leurs  habitudes alimentaires. La peau nue de la tête et du cou permet de garder les  plumes propres après avoir « plongé » dans une carcasse.     
    Cette  peau nue joue un rôle dans la régulation de la température lorsque les vautours  se posent sur le sol après une longue période passée en altitude où l’air est  froid. Ils ont besoin d’un plumage épais pour garder la chaleur tandis qu’ils  volent, mais au sol, les zones nues les aident à réguler leur température et  leur permettent d’éviter un coup de chaleur.   

Mais ces parties nues ont leur importance aussi pendant les parades, et présentent une grande variété de couleurs comme chez le Sarcoramphe roi qui possède en plus des plis et des caroncules aux lobes multiples.

Ces couleurs n’apparaissent que chez l’adulte. Les immatures ont la peau grisâtre ou noirâtre. Les couleurs varient d’un oiseau à l’autre et sont utilisées pour se reconnaître entre eux, mais aussi lors des parades de menace ou l’établissement de la hiérarchie autour d’une carcasse. La coloration peut changer en quelques secondes par la contraction ou la dilatation des vaisseaux sanguins très présents dans ces zones. Ce fait est particulièrement visible chez l’Urubu à tête rouge.

Des sacs à air sont associés à cette peau nue, et sont plus particulièrement développés chez le Condor de Californie. Ils ajoutent quelque chose aux parades quand la peau gonfle comme un ballon et met les couleurs vives de la peau du cou en valeur. Le Condor des Andes, l’Urubu à tête rouge et l’Urubu noir possèdent aussi cette particularité mais moins spectaculaire.
Les membres du genre Cathartes ont des narines plutôt grandes de chaque côté du bec. Ces narines largement ouvertes leur permettent de posséder un très bon sens de l’odorat, démontré au cours de nombreuses études. Cela leur permet de localiser la nourriture dans la forêt, et de trouver des carcasses au milieu de la végétation ou invisibles. Cependant, ils ne prennent pas de chairs putréfiées, sans doute à cause des toxines dues à l’action des bactéries.


Comme seulement les trois membres du genre Cathartes possèdent ce sens de l’odorat, le Sarcoramphe roi et l’Urubu noir les suivent dans les habitats forestiers afin de trouver des carcasses, et ensuite, ils leur volent la nourriture.
Les  vautours du Nouveau Monde ont en général le plumage sombre, noirâtre, parfois  avec quelques reflets bleu-vert sur le dessus. Le Condor des Andes et le Condor  de Californie, mais aussi le Sarcoramphe  roi présentent des taches blanches sur les ailes bien visibles en vol.      
    Tous ont  des ailes larges bien adaptées aux planés et aux glissés. Ils utilisent les  courants thermiques pour s’élever sans aucun battement. Ensuite, ils glissent  tout en perdant lentement de l’altitude, jusqu’au prochain courant ascendant  qui les fera remonter. Cette méthode leur permet de voler sur de grandes  distances en dépensant peu d’énergie. Les condors qui vivent dans les régions  montagneuses utilisent les courants qui montent le long des murs des  falaises.    

Tous ces  vautours ont de grands doigts. Ils les utilisent quand ils se nourrissent pour  tenir la carcasse tandis que le bec déchire des lambeaux de chair. Beaucoup  d’espèces ont de très légères palmures entre les doigts, qu’elles emploient  pour freiner leur descente. 
    En  effet, les grands rapaces volent très vite et il leur est difficile de  contrôler leur atterrissage. Donc, ils laissent pendre leurs pattes pour se  ralentir, tout comme les vautours du Vieux Monde qui possèdent aussi ces  petites membranes entre les doigts.      

Quand  ils cherchent de la nourriture, les membres du genre Cathartes volent assez bas  afin de trouver une odeur, toujours plus présente près du sol. Les autres  vautours volent plus haut et cherchent à vue. 
    Ce sont  des charognards qui se nourrissent presque exclusivement d’animaux morts, tués  par des véhicules au bord des routes, de carcasses qui peuvent être grandes,  moyennes ou petites.  Les vautours du  genre Cathartes sont capables de trouver des petites carcasses grâce à leur  odorat, mais les autres se tournent vers les plus grandes. 
    L’Urubu noir tue une grande variété de  petites proies mais qui sont souvent sans défense. L’Urubu à tête rouge peut aussi tuer, mais uniquement des animaux  malades ou très jeunes. 

La hiérarchie autour d’une carcasse est simple. Les grands condors sont capables d’ouvrir la peau grâce à leur puissance, et ce sont eux qui commencent. Ensuite, les autres vautours consomment les muscles et les viscères. Les trois Cathartes se nourrissent plus lentement et nettoient tous les restes de viande autour des os.
Les  combats entre eux sont rares en dépit de tant d’espèces autour d’une même  source de nourriture. Mais pour eux, tout contact physique peut être dangereux  et provoquer des blessures parce que les vautours ont des ailes délicates. Il  faut aussi penser que les combats font dépenser beaucoup d’énergie. 
    Pour  cette raison, plusieurs parades rituelles ont été instaurées, leur permettant  de savoir qui est le dominant.  Habituellement, les grandes espèces dominent  les plus petites. 
    Quelques  parades de menace montrent deux oiseaux debout côte à côte avec les ailes  déployées, se poussant mutuellement l’un contre l’autre jusqu’à ce que l’un  d’entre eux tombe. Une autre parade les voit monter dans les airs en se donnant  des coups de griffe. Les Urubus noirs forment de grands groupes autour de la nourriture et peuvent assaillir les  autres vautours déjà installés et les éloigner. Même le Sarcoramphe roi ne résiste pas.    


Les  condors s’attaquent plutôt aux grandes carcasses. Mais leurs nombres sont si  réduits aujourd’hui qu’il est courant de ne voir que quelques Condors des Andes autour d’une source  de nourriture, alors que par le passé, ils étaient si nombreux autour du même  cadavre, comme les vautours du genre Gyps le sont encore chez nous.  
    Le Condor de Californie cherche le long  des côtes du Pacifique où de nombreux animaux marins s’échouent sur les plages.
    Tous ces  vautours jouent un rôle important dans les écosystèmes en tant que charognards. 
Les Cathartidés sont des oiseaux presque silencieux car ils n’ont pas de syrinx, ni les muscles qui lui sont associés. Ils sont incapables d’émettre des cris ou des chants, mais ils peuvent cependant produire plusieurs bruits étranges tels que souffles, vibrations, ronflements, sifflements, mais aucun d’eux n’est très fort. Ces sons sont probablement le résultat de l’air qui passe dans les sacs du cou, et sont assez peu utilisés. On peut surtout les entendre autour des carcasses, et pendant la saison de reproduction.
Les  Cathartidés occupent une grande variété d’habitats.
    Le Condor des Andes vit parmi les plus  hautes montagnes des Andes, mais il descend jusqu’aux basses terres herbeuses  d’Argentine et peut être vu dans le désert sur la côte Péruvienne.  


Le Condor de Californie est à présent confiné dans la Sierra Nevada en Californie, mais autrefois, il vivait dans la majeure partie du sud des Etats-Unis.

Le Sarcoramphe roi se trouve dans les forêts tropicales primaires en Amérique Centrale et du Sud, bien qu’il puisse aussi être vu dans les prairies et les savanes.

L’Urubu noir était autrefois confiné aux lisières des cours d’eau, des marais et des zones humides. Aujourd’hui, sa distribution est plus étendue et ce vautour se nourrit en ville où il profite des décharges publiques et des déchets dans les cités d’Amérique Centrale et du Sud.

L’Urubu à tête rouge peut être vu depuis le désert extrême jusqu’aux prairies, dans les forêts tempérées et les forêts tropicales. Il est présent depuis le sud du Canada jusqu’au Cap Horn.

L’Urubu à tête jaune fréquente les prairies, les llanos, les savanes et les lisières des forêts au Mexique, en Amérique Centrale et du Sud.

Le Grand Urubu préfère les forêts tropicales primaires des basses terres en Amérique du Sud, et surtout dans le Bassin Amazonien.

Tous les  vautours du Nouveau Monde ont un comportement particulier face au soleil, si  important pour la santé de leur plumage. On les voit souvent posés sur des  arbres ou des pylônes avec les ailes complètement déployées et le corps tourné  vers le soleil ou inversement.  
    Ce  comportement est nécessaire tôt le matin car la température de leur corps perd  plusieurs degrés pendant la nuit, et ils ont besoin de la chaleur du soleil  pour la récupérer. De plus, les plumes demeurent souvent courbées après  plusieurs heures passées à planer dans l’air froid, de telle sorte que  l’extrémité reste redressée. La chaleur leur permet de retrouver la forme  initiale indispensable pour un vol efficace.   

On en  sait peu sur la nidification des Cathartidés. La saison de reproduction varie  selon la distribution et reste pour l’instant peu étudiée.   
    Les  vautours Américains ne sont pas aussi grégaires que ceux du Vieux Monde qui  nidifient souvent en colonies. Les vautours du Nouveau Monde ont tendance à  nidifier en solitaire, bien que l’Urubu  noir forme des rassemblements importants quand il se nourrit ou aux  dortoirs, et ceci fait partie des comportements sociaux de cette espèce un peu  plus complexe que les autres.   

Ils  nidifient sur le sol, dans des grottes, des grands trous dans les arbres ou les  souches tombées à terre. Les grands condors s’installent dans des sites retirés  et isolés difficiles à atteindre. 
    Ces  oiseaux essaient de limiter leurs déplacements ou de les rendre aussi discrets  que possible quand ils approchent du nid, afin d’éviter d’attirer l’attention  des prédateurs terrestres. De plus, les nids sont souvent imprégnés d’une odeur  très forte qui pourrait bien être une stratégie pour éloigner les intrus. 
    Mais la  prédation au site du nid n’est pas une cause majeure d’échec de la  reproduction, même si les œufs sont parfois volés par les corbeaux, et ces  grands rapaces ne montrent pas vraiment de comportements défensifs.   

Immature
La ponte  comprend un ou deux œufs plus ou moins colorés selon le site du nid. La durée  de l’incubation est variable, allant de 40 jours chez les plus petites espèces,  jusqu’à 55 jours chez les grands condors. Les deux parents se partagent les  tâches liées à la reproduction, incubation et nourrissage des jeunes.     
    Les  poussins sont couverts de duvet blanc pour la majorité d’entre eux, et brun  chamoisé chez l’Urubu noir.  L’épaisseur du duvet permet aux poussins de conserver la chaleur dès leur plus jeune  âge. Les parents les nourrissent et visitent le nid pendant quelques minutes  chaque jour. Les poussins sont nourris par régurgitation pendant toute la  période de leur croissance.  
Il n’est  pas courant pour des oiseaux de proie de porter la nourriture ainsi plutôt que  dans les serres, mais ces vautours ont probablement un jabot plus grand mais  leurs serres sont moins puissantes.   
    Pendant  les premiers jours, les poussins sont nourris avec de la nourriture  partiellement digérée prise directement bec à bec, mais plus tard, les parents  régurgitent sur le sol.  
    Chez les  condors, le jeune ne vole pas avant six mois, et il reste dépendant des adultes  pour la nourriture pour de nombreux mois. 
    Les  Cathartidés semblent rester unis pour la vie, ou au moins pendant plusieurs  années.

Juvéniles
Les  Cathartidés ne sont pas vraiment des migrateurs, exception faite de l’Urubu à tête rouge et surtout de deux  de ses races. Les deux sous-espèces Nord Américaines (aura et septentrionalis)  volent vers le sud en hiver en grands groupes, jusqu’au nord de l’Amérique du  Sud où ils vivent avec les races résidentes de la même espèce. Ils sont alors  dominants à cause de leurs nombres importants.   
    Aucune  autre espèce de la famille des Cathartidés ne fait de migrations, mais des déplacements  locaux et des dispersions sont observés sur de courtes distances. Ces  comportements ne sont pas encore tout à fait bien compris.     

Tout comme les vautours du Vieux Monde, les espèces Américaines furent persécutées dans le passé parce qu’elles étaient suspectées de tuer les agneaux nouveau-nés et de répandre des maladies dans le bétail. De plus, leur habitude de se nourrir de détritus dans les décharges et d’ensuite aller dans les villes et les villages n’était pas appréciée des humains.

Ils sont  souvent tués par les voitures quand ils cherchent des cadavres d’animaux au  bord des routes, et consomment aussi des poisons contenus dans certains débris  trouvés dans les poubelles.  
    Fort  heureusement, le taux de reproduction élevé de certaines espèces leur permet de  maintenir des populations stables. 
    La  déforestation est la principale menace pour les espèces forestières, et  l’exploitation par les humains des zones boisées restantes entraine une pression  de plus en plus intense.  

Les espèces les plus menacées sont les deux condors. Les populations du Condor de Californie sont gérées par plusieurs programmes de reproduction et de réintroduction (voir la fiche de cette espèce), qui comprennent aussi la conservation du Condor des Andes aujourd’hui également menacé.

Immature
Cependant, nous sommes en droit d’espérer voir voler ces superbes rapaces pendant longtemps dans le ciel des Amériques, rendant ainsi hommage à la chanson Péruvienne originale « El Condor Pasa » où ce magnifique condor représente le symbole de la liberté par son vol majestueux au-dessus des paysages grandioses des montagnes Andines.
