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LES TROIS FLEURS

ET

L'ARC-EN-CIEL

Il était une fois, au fond d’une vallée verdoyante, un grand pré rempli de fleurs des champs. Des marguerites, des boutons d’or, des bleuets, des coquelicots, des pâquerettes… Il y en avait de toutes les couleurs et de toutes les tailles, depuis le ras du sol, jusqu’aux premières branches basses des arbres qui bordaient la prairie. La vue de ce parterre coloré procurait une délicieuse sensation de paix et de sérénité. Personne ne restait insensible à ce tableau champêtre.

De part et d’autre, les montagnes s’élevaient doucement vers un ciel souvent bleu. Le relief ne montait pas très haut, juste ce qu’il fallait pour rompre la monotonie d’un paysage trop plat et nu. Au petit matin, de fins nuages frôlaient les courbes arrondies des cimes, laissant prévoir un temps clément.  

Sur un côté du pré, une rivière partageait le terrain. Elle courait allègrement, descendant d’une montagne plus élevée, située un peu en arrière. Son chant joyeux rythmait la douceur de la vie dans cet endroit paisible.

Ce n’était pas le Paradis, mais quand même, cela lui ressemblait beaucoup !

Un matin de juin, le ciel se couvrit de gros nuages gris, annonçant le mauvais temps. L’orage menaçait, le vent soufflait, courbant toutes les fleurs presque jusqu’au sol.  Il allait sans doute pleuvoir bientôt. La rivière grondait un peu, heurtant les bords plus violemment que d’habitude en faisant jaillir partout des gerbes d’eau sur les fleurs déjà malmenées. Une sombre journée commençait…

Texte et illustrations de Nicole Bouglouan

Les illustrations sont réalisées au crayon aquarelle et au pastel sec.

 

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CHAPITRE   PREMIER

Il y avait un coquelicot, un bleuet et un bouton d’or. Dame Coquelicot, plus téméraire que les autres, souleva doucement un de ses larges pétales, et regarda intensément. Ouvrant un œil tout rond, elle fut surprise par la violence du courant qui les éclaboussait. Elle rabaissa vite la « fenêtre » ainsi entrouverte, et raconta aux deux autres ce qui se passait.

Tout au bord de l’eau, trois fleurs tentaient d’ouvrir leurs corolles au même moment. Elles montraient leur jeunesse par la finesse de leurs tiges et leurs feuilles vert tendre. Seulement, l’absence de soleil ce jour-là ne les aidait pas. Pourtant, il leur tardait de voir enfin ce qui se passait autour d’elles !
A son tour, Tonton Bleuet essaya de découvrir le paysage, mais il prit une gerbe d’eau glacée qui le fit plier, et il décida d’attendre un meilleur moment !

Bouton d’or, plus effronté, ouvrit carrément sa corolle. La curiosité l’avait emporté, et il fut ébloui par ce qu’il vit. Les éléments se déchaînaient au-dessus de lui, les nuages filaient à une vitesse folle dans un ciel tourmenté, le vent sifflait, courbant toutes les herbes et les fleurs du pré, et la rivière hurlait sa joie de courir si vite. Le spectacle qui s’offrait à lui le fascinait. Il s’empressa de secouer ses voisins qui, à contre cœur, s’ouvrirent…

Dame Coquelicot faillit s’envoler ! Ses larges pétales ressemblaient à des voiles offertes au vent qui ne demandait qu’à les emporter ! Tonton Bleuet, prudent, tenait sa corolle bien serrée, pour éviter tout incident. Pendant ce temps, Bouton d’or jubilait. Pour son premier jour, il était ravi !

Sa tige le démangeait, alors, n’y tenant plus, il tira et partit le long de la rivière. Eberlués, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet, ne voulant pas le laisser seul, firent de même. Et voilà nos trois amis, poussés par le vent, entreprenant de découvrir leur territoire. La marche n’était pas aisée. Le vent les forçait souvent à se coucher au ras du sol, en tenant leurs corolles. La pluie les trempait, sans parler des gerbes d’eau que leur envoyait généreusement la rivière. Ils commençaient à avoir froid. Pour une première sortie,  ce n’était pas gagné !

Ils décidèrent de se mettre à l’abri, et avisant un rocher au milieu des herbes folles, ils le contournèrent et enfin, ne sentirent plus ce vent qui les cinglait violemment. Ils se réchauffaient petit à petit, et reprenaient vie. Quelle aventure ! Ce premier jour leur avait déjà appris deux des principaux éléments  naturels : l’eau et le vent !

Ils se reposèrent et attendirent une accalmie pour se remettre en route, c’était plus sage.

CHAPITRE   DEUX

Nos trois fleurs commençaient à sécher enfin, et à l’extérieur, les éléments se calmaient. Le vent s’apaisait, les nuages s’éclaircissaient, la pluie devenait moins violente. Derrière les sommets, le soleil illuminait le ciel, prévenant de son retour imminent. Les trois amis se secouèrent en sortant prudemment de leur abri de fortune.

Mais pourquoi es-tu sorti sous ce temps ? demanda Dame Coquelicot à Bouton d’or.

Je voulais tout simplement découvrir ce qui se passe au dehors ! répondit Bouton d’or.

Mais regarde-nous, nous sommes dans un état lamentable ! fit remarquer Tonton Bleuet.

Tu vas bien finir par sécher ! dit en riant Bouton d’or, décidément d’excellente humeur.

Oh ! Regardez ! cria soudain Dame Coquelicot. Comme c’est beau ! Mais qu’est-ce donc ?

Au milieu de la vallée, alors que la pluie se faisait toute fine et transparente, une bande multicolore dessinait une arche magique en travers des lieux. Sept couleurs magnifiques formaient cette chose mystérieuse qui fascinait nos trois amis.

On dirait que le vent la fait bouger ! dit Tonton Bleuet. Voyez comme elle tremble. Par endroits,  elle est transparente !

J’ai l’impression, dit Bouton d’or décidément très inspiré, que le soleil y est pour quelque chose. Regardez bien, lorsqu’il brille, la bande est très lumineuse, et elle devient plus claire quand des nuages le cachent un peu…

Elle change aussi selon l’épaisseur du rideau de pluie, renchérit Dame Coquelicot, se laissant porter par ses observations.

Vous savez, dit Tonton Bleuet, je pense que ce sont des reflets provoqués par les rayons du soleil sur les gouttes de pluie. Elles agissent comme un miroir, comme la lumière qui se reflète dans l’eau de la rivière ou sur la rosée.

Admiratifs, Dame Coquelicot et Bouton d’or acquiescèrent ; mais cela ne satisfaisait pas leur curiosité.  Il fallait en savoir plus.

D’un commun accord, les trois fleurs décidèrent d’avancer, afin d’aller voir de plus près ce qui se passait. Cette arche venait de derrière les montagnes, et finissait devant eux mais trop haut pour l’atteindre. Il leur suffisait de marcher jusque là-bas pour voir si ces couleurs sortaient de terre ou venaient d’ailleurs…Au moins, ils en auraient le cœur net !

Et les voilà partis, cheminant lentement dans les hautes herbes encore humides. La pluie avait cessé, et le bel arc coloré se fondait petit à petit dans les nuages légers qui succédaient au mauvais temps. Par endroits, le ciel bleu apparaissait, lumineux et pur.  Bouton d’or repéra bien le point d’où démarrait ce phénomène, et sans le quitter des yeux, traça mentalement une route pour y arriver. Ce ne serait sans doute pas très facile, mais il faut savoir ce que l’on veut !    

CHAPITRE   TROIS

Marchant d’un bon pas, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet suivant un Bouton d’or décidé à percer le mystère, revinrent vers la rivière. La meilleure façon de ne pas se perdre était de la suivre et de remonter vers sa source, puisque apparemment, la « chose » venait de là.

Ils avancèrent ainsi une bonne partie de la journée, sous un soleil à présent bien revenu. Le sol séchait, les herbes se redressaient, les fleurs offraient leurs corolles à sa chaleur, le spectacle que nos trois amis avaient sous les yeux valait le détour.

Vers la fin de l’après-midi, ils s’arrêtèrent pour se reposer. 

Quelle bonne marche ! Dit Tonton Bleuet un peu essoufflé.

En effet ! Renchérit Dame Coquelicot en se laissant tomber dans l’herbe. Je ne pensais pas que cela serait aussi fatigant…

Vous feriez mieux de respirer ce bon air au lieu de vous lamenter ! Lança Bouton d’or que décidément rien ne pouvait atteindre.

Assis dans l’herbe, nos trois compères reprenaient leurs esprits en regardant autour d’eux. Le paysage changeait imperceptiblement en prenant de l’altitude. Ils se trouvaient à présent sur les contreforts de la montagne. La pierre devenait plus apparente. Deci-delà des zones herbues abritaient des fleurs différentes de celles qu’ils connaissaient. Elles étaient magnifiques, plus petites mais leurs couleurs pures les faisaient ressembler à un bijou dans un écrin de velours vert. C’était magique !

Oh ! Regardez comme elle est belle ! S’écria Bouton d’or en montrant une corolle d’un bleu intense qui s’ouvrait vers le soleil.

Il s’approcha d’elle et la regarda longuement. La fleur se tourna vers lui en disant :

Bonjour ! Qui es-tu ? Je ne t’ai jamais vu par ici !

Je m’appelle Bouton d’or, et voici mes amis, Tonton Bleuet et Dame Coquelicot. Nous venons de la prairie d’en bas.

Mais que faites-vous donc ici ? demanda la fleur.

Nous sommes à la poursuite de cet arc magnifique qui s’est estompé dès que le soleil est apparu et que la pluie a cessé.

Vous voulez parler de l’arc-en-ciel ? interrogea la fleur.

Comment l’as-tu appelé ? s’écrièrent en chœur nos trois amis.

C’est un arc-en-ciel ! Répéta la fleur. Cela se produit quand les rayons du soleil se reflètent dans les gouttes de pluie.

Tu vois, j’avais raison ! Clamèrent en même temps Bouton d’or, Dame Coquelicot et Tonton Bleuet.

La fleur bleue sourit devant leur enthousiasme, et leur demanda quels étaient leurs projets.

Nous voulons aller là où il se forme ! Nous voulons aller au pied de l’arc-en-ciel ! répondit Tonton Bleuet.

Verriez-vous un inconvénient à ce que je vous accompagne ? dit la fleur bleue.

Oh ! Ce serait formidable d’y aller tous ensemble ! Allons-y ! Mais d’abord, dis-nous comment tu t’appelles.

Je suis Miss Gentiane, une fleur de montagne.

Eh bien, Miss Gentiane, en route !

Et voilà donc les quatre fleurs, côte à côte, avançant sur un terrain de plus en plus difficile. De temps en temps, elles trempaient leurs racines dans l’eau de la rivière dont le cours devenait plus étroit. A cet endroit-là, il ressemblait plutôt à un torrent. Son eau claire et sa musique encourageaient les fleurs à avancer. Mais la pente grimpait, et nos amies s’essoufflaient…

CHAPITRE   QUATRE

Vers la fin de la première journée de marche, Miss Gentiane proposa de faire halte pour la nuit dans un fourré épais qui les abriterait du vent et de la fraîcheur nocturne. Ils mouillèrent leurs racines une dernière fois et, épuisés, s’endormirent serrés les uns contre les autres. La Lune s’éleva dans un ciel si pur qu’elle brillait presque autant que le soleil ! Nos amis, complètement abandonnés, volaient au pays des rêves depuis déjà quelques heures quand un bruit insolite réveilla Dame Coquelicot…

Redressant sa tige, elle regarda devant elle, au travers des branches du fourré, mais ne vit rien. Pourtant, ce bruit persistait. N’y tenant plus, elle se leva, et sans faire de bruit, elle avança doucement vers l’eau.

Une ombre se tenait là, pas très loin d’elle, mais ne semblait ni la voir ni l’entendre. Elle essaya de mieux distinguer mais glissa sur une pierre humide et s’affala juste derrière la « chose » qui ne bougea pas... Il est vrai qu’une fleur ne fait pas de bruit, surtout quand un torrent dévale la pente à toute allure à côté !

Immobile, elle attendit et soudain, l’ombre se remit en marche et elle reconnut la silhouette d’un isard qui s’était juste arrêté pour boire cette eau fraîche, avant de continuer sa balade nocturne.

Sans rien dire à personne, elle se recoucha près de ses compagnes et se rendormit. Mais quand même, elle avait eu un peu peur, et ne se vanterait pas de cette aventure. Pas la peine d’effrayer inutilement les autres !

La fraîcheur du matin réveilla tout ce petit monde qui s’étira dans tous les sens et se leva, bien disposé à continuer les recherches. Les fleurs mouillèrent un peu leurs racines dans l’eau du torrent pour reprendre des forces, et se remirent en route.

Le sentier montait de plus en plus, le soleil commençait à chauffer, et nos amis peinaient beaucoup sur les rochers devenus brûlants. N’y tenant plus, Tonton Bleuet se laissa tomber sur une touffe d’herbe en se frottant les racines…

Pitié, je n’en peux plus ! Implora-t-il.

Moi non plus ! Renchérit Dame Coquelicot en s’installant près de lui.

J’avoue qu’un peu de repos serait le bienvenu ! Concéda Bouton d’or, malgré son enthousiasme intact.

Alors, on fait la pause ! Décréta Miss Gentiane, plus habituée qu’eux à l’altitude.

Et voilà nos quatre aventuriers épuisés, allongés sur une étroite touffe d’herbe, haletants, reprenant doucement leur souffle.

Ils entendirent un bruit de frottement, pas très loin d’eux, qui les fit se retourner ensemble au même moment. Rien. Mais toujours ce bruit étouffé à proximité… Miss Gentiane, en habituée de la montagne, se montra plus courageuse que les autres et s’avança vers l’endroit d’où venait le bruit. Derrière un rocher, elle vit deux bouts de bois qui bougeaient en cadence. Intriguée, elle avança davantage, et se trouva nez à nez avec un isard, sans doute celui aperçu la nuit par Dame Coquelicot. Chacun fut surpris par la présence de l’autre et se figea.

Miss Gentiane, la première, se ressaisit :

Bonjour ! Je m’appelle Miss gentiane et je suis là avec mes trois amis. Nous allons à la rencontre de l’arc-en-ciel ! Dit-elle sans respirer.

Je suis Zary, un isard. Bonjour ! Qu’as-tu dit ? Vous cherchez quoi ?

Nous voulons aller au pied de l’arc-en-ciel, pour voir ses couleurs de plus près. C’est tellement beau ! Répondit Miss Gentiane, rêveuse.

Vous ne pourrez rien voir, c’est sûr. L’arche est toujours dans les airs ! Dit Zary.

Mais non, nous l’avons vue sortir de là-bas, derrière la montagne. Nous allons la trouver, tu vas voir !

Sceptique, Zary ne voulut pas la contrarier, mais il l’avait vue lui, cette arche magnifique, d’assez près même, mais de si haut… Ces fleurs n’y arriveraient jamais. Il contourna le rocher qui le cachait à demi, et découvrit le reste de la troupe affalé sur le bord du sentier…

Vous avez l’air épuisées ! Dit-il en s’adressant aux fleurs.

Nous le sommes ! Répondirent-elles en chœur. Nous avons du mal à respirer.

C’est l’altitude ! Il faut vous reposer souvent, et surtout, avancer lentement entre chaque pause, sinon, vous n’arriverez pas là où vous voulez aller. Et prenez de l’eau régulièrement pour vos racines ! Leur conseilla-t-il.

Après les avoir saluées, Zary repris son activité, consistant à grignoter la végétation environnante.  Mais il était inquiet à présent, pour ces pauvres fleurs qui allaient certainement souffrir, et peut-être même pire… En un instant, sa décision fut prise, il les accompagnerait jusqu’en haut, là où elles avaient le plus de chances de trouver ce qu’elles cherchaient. Et puis, après tout, il profiterait lui aussi du spectacle, c’était tellement beau qu’il ne s’en lassait jamais.

CHAPITRE   CINQ

Zary revint vers les fleurs et leur annonça sa décision de les accompagner. Surprises, elles le regardèrent gentiment, et se jetèrent sur lui pour le remercier. Assailli de toutes parts, il se débattit et menaça de les croquer si elles ne le lâchaient pas ! Le calme revint, et tout ce petit monde se mit en marche.

Le soleil tapait de plus en plus fort, chauffant les roches qui brûlaient les racines de nos pauvres fleurs. Heureusement, le torrent qu’ils suivaient toujours leur permettait de se rafraîchir souvent, mais l’aventure devenait difficile. En milieu de journée, Zary leur conseilla de faire une nouvelle pause. Il les installa à l’ombre d’un rocher, près de l’eau, et entrant dans les flots pour refroidir ses sabots, il aspergea ses compagnes vigoureusement !

Les fleurs, revigorées par cette douche impromptue, se levèrent d’un seul mouvement et, à l’aide de leurs feuilles, envoyèrent sur l’isard toute l’eau qu’elles pouvaient ramasser… Une bataille ponctuée d’éclats de rire secoua la montagne. Au bout de quelques minutes, trempés et dégoulinants, mais rafraîchis et détendus, nos amis reprenaient leur chemin vers les sommets…

Plus l’après-midi avançait, et plus le ciel se couvrait. Une brise tenace accompagnait nos amis, annonciatrice d’un changement de temps. Mais d’un autre côté, c’était plus agréable pour marcher ! Au détour d’un gros rocher, Tonton Bleuet fit une découverte qui l’intrigua beaucoup. Il appela les autres pour leur montrer une toute petite fleur blanche, timide et couverte de duvet, cachée dans une fente entre deux pierres.

C’est un edelweiss ! S’écria Miss Gentiane. Regardez comme il est doux !

Quelle fleur bizarre ! Dirent en chœur les fleurs des champs. Bonjour, comment t’appelles-tu ?

Je suis Eddy, l’edelweiss. J’annonce une altitude plus élevée à ceux qui passent par ici !

Pourquoi es-tu si petit ? Demanda Dame Coquelicot de toute sa hauteur.

Tout simplement pour mieux résister au froid nocturne et au vent glacial qui souffle dans la montagne. Si j’étais grand comme toi, j’aurais très froid et je mourrais.

Bouton d’or toucha les duvets sur les fins pétales et demanda :

Tu as des habits comme du coton !!! C’est aussi pour te protéger du froid ?

Bien sûr ! Répondit l’edelweiss. Le vent et l’humidité ne peuvent pas passer facilement avec ces duvets. C’est pratique !

C’est super ! Répondirent en chœur les fleurs abasourdies par ce qu’elles apprenaient.

Où allez-vous comme cela ? Demanda Eddy.

Nous allons voir le pied de l’arc-en-ciel, là-bas, plus haut. Dit Zary. Je les accompagne, car c’est risqué pour des plantes de basse altitude. Je pourrai les aider.

Oh ! Chouette ! Je viens aussi ! Dit Eddy très excité. Il y a tellement longtemps que je n’ai pas bougé. Vous m’acceptez ?

Avec joie ! Arrache tes racines et suis-nous. Nous allons marcher encore un peu avant la nuit. Dépêche-toi.

Eddy se tortilla pour se dégager d’entre les roches, et se mit en route avec le reste de la troupe. C’était un convoi pour le moins curieux, un isard qui menait des fleurs sur un sentier escarpé en pleine montagne…

En fin de journée, ils s’arrêtèrent et s’installèrent à l’abri des rochers. Le ciel devenait de plus en plus menaçant, et la nuit tombait. Ils se serrèrent les uns contre les autres, protégés par Zary qui leur coupait le vent, et tous s’endormirent. Au loin, l’orage commençait à tonner. La nuit allait être pénible…  

CHAPITRE   SIX

Au milieu de la nuit, ils furent réveillés par une pluie battante. Zary les poussa vers un rocher creux qui pourrait abriter les fleurs. Lui ne risquait rien, il avait l’habitude. L’orage grondait, le torrent devenu cascade, dévalait la paroi dans un bruit d’enfer, le vent soufflait… La suite du voyage n’allait pas être facile !

Personne ne dormit cette nuit-là, mais au petit matin, le temps s’améliora un peu, la pluie cessa, le vent tomba, mais le ciel restait chargé de nuages gris. Après avoir remis de l’ordre dans leur tenue, chacun se prépara à repartir. Ils arrivaient au bout du chemin, les sommets paraissaient très proches à présent, et ils espéraient tous voir ce qui les avait poussés jusque là : l’arc-en-ciel !

Vers midi, Zary les fit s’arrêter dans un endroit magnifique. Les sommets les entouraient, les roches nues dépourvues de végétation donnaient au paysage un aspect nouveau pour nos fleurs des champs… C’était un dépaysement complet. En contrebas, une surface mouvante luisait sous un ciel blanchâtre où passaient encore des nuages : un lac de montagne ! Ses eaux d’un bleu profond semblaient s’enfoncer jusqu’au centre de la terre. Sa forme circulaire le faisait ressembler à un miroir posé là, par hasard, par la main d’une fée soucieuse du décor. Nos petites fleurs regardaient partout, émerveillées, oubliant même pourquoi elles se trouvaient là !

Eddy rompit ce silence magique :

A mon avis, le soleil ne va pas tarder à se montrer. Regardez, il y a un coin de ciel bleu là-bas !

En effet, la journée sera belle, la température se réchauffe! Renchérit Miss Gentiane.

Vous croyez que l’arche va se montrer ? Demanda Bouton d’or toujours motivé.

Je ne sais pas encore. Dit Zary. Il faut attendre.

Notre fine équipe s’assit sur les rochers et attendit. Le ciel se dégageait d’un côté, et l’on sentait la chaleur du soleil qui montait doucement, mais de l’autre, les nuages persistaient…

Au bout d’un moment, une fine pluie poussée par une brise fraîche vint troubler nos amis. Le soleil timide brillait dans son coin, et soudain, il apparut, magique, grandiose, lumineux, irréel… L’arc-en-ciel !
        
Il sortait de nulle part, franchissant allègrement les sommets alentour, pour aller se perdre plus bas. Mais comment faire pour l’atteindre ?

Il faut aller plus haut ! Cria Dame Coquelicot.

Mais non, regarde, il est là tout près ! Dit Tonton Bleuet.

Oh ! Il a encore bougé ! Observa Eddy.

Il descend à présent ! Remarqua Bouton d’or

Il va dans le lac ! Cria soudain Miss Gentiane.

Allons-y ! Ordonna Zary. C’est le moment ou jamais !

Et voilà nos aventuriers repartis. Ils descendirent vers le lac bleu où l’on pouvait voir, juste à la surface, l’arc-en-ciel, onduler au rythme des  vaguelettes soulevées par la brise. Ils coururent pour arriver plus vite. La pente glissait, mais ils n’en avaient cure et se dépêchaient pour mieux voir.

Arrivés au bord, ils virent dans l’eau du lac passer les nuages, et, au beau milieu, l’arc-en-ciel. Il était splendide, les couleurs se détachaient nettement sur le fond bleu.
Plus hardi que les autres, Bouton d’or se risqua jusqu’au bord de l’eau, et trempa ses racines dans l’eau plutôt fraîche du lac. Aussitôt, des ronds se formèrent autour de lui, brouillant la superbe vision.

N’avance plus ! Dit Tonton Bleuet. Tu vas le faire partir !

Mais non, regarde, il est toujours là ! Répondit Bouton d’or.

Tu crois que tu peux l’attraper ? Demanda Eddy.

Je vais essayer d’avancer davantage ! C’est le seul  moyen.

Et voilà Bouton d’or enfoncé dans l’eau jusqu’à mi-corps, avançant péniblement vers les sept couleurs de l’arche magnifique. Il était tout près à présent. Il s’étira au maximum, et au moment où il allait le saisir, la surface de l’eau se brouilla et l’arc-en-ciel disparut.

Surpris, il recula brusquement et tomba à la renverse dans le lac. Aussitôt, Zary entra dans l’eau et recueillit le naufragé déçu.

Oh la la ! Elle est gelée ! Dit-il en grelottant.

Regarde ! Il est revenu ! Cria Tonton Bleuet.

J’y retourne ! Hurla Bouton d’or tout dégoulinant.

Et le revoilà courant dans l’eau vers le rêve tant convoité. Mais comme la première fois, dès qu’il essaya de le toucher, la forme s’estompa et disparut à nouveau… Consternation générale, sauf pour Zary qui savait à quoi s’en tenir et allait tenter d’expliquer sans trop décevoir ses amis. 

Ne soyez pas tristes ! Leur dit-il. C’est un phénomène naturel. Vous ne pourrez jamais le toucher.

Mais pourquoi ? On y était presque ! Pleurèrent-ils en chœur.

L’eau du lac agit comme un miroir. Ce que vous voyez n’est que le reflet de l’arc-en-ciel, et les nuages aussi. Seulement, la surface de l’eau n’est pas rigide, et si vous l’effleurez, elle gomme l’image et il faut attendre le calme pour la retrouver !

Hummm… Nos amies les fleurs, en pleine réflexion, méditaient les paroles de Zary.  
Alors, on ne pourra jamais le toucher ? Demanda Bouton d’or plaintif.

Non, tu pourras seulement le regarder et l’admirer. Ce qui n’est déjà pas si mal. Répondit Zary.

C’est dommage ! Murmurèrent-ils en chœur.

Allons, venez à présent, il faut redescendre tant qu’il fait beau. Qui sait ce que nous réserve encore la nuit prochaine ?

CHAPITRE   SEPT

La petite troupe se remit en marche. Zary en tête menait son monde à une allure régulière, mais il savait que leur cœur était lourd. Ils avaient fait un beau rêve, et n’avaient pas pu le réaliser. Il leur faudrait un peu de temps pour comprendre.

Alors, ce n’est qu’un reflet ? Demanda Bouton d’or qui voulait vraiment savoir ce qu’il avait manqué.

Oui, le reflet de la lumière du soleil dans chaque goutte de pluie, ou de rosée. C’est pour cela que les perles de rosée apparaissent quelquefois multicolores. En réalité, ce ne sont que de petits arcs-en-ciel qui se mirent en elles.

Quelles sont donc les couleurs ? Dame Coquelicot, elle aussi, se montrait curieuse.

Il y en a sept. Répondit   Zary.

Les fleurs s’arrêtèrent pour mieux l’écouter. Seul, le bruit du torrent dévalant la pente laissait entendre sa chanson. Elles étaient suspendues aux paroles de l’isard.

Oui, sept. Je vais vous les donner dans l’ordre. Violet, indigo, bleu, vert, jaune, orange, rouge… Ouf ! Je crois que je n’ai rien oublié !

C’est quoi, indigo ? demandèrent-elles d’une seule voix.

C’est un bleu violet. Répondit Zary en souriant. D’ailleurs, il se trouve entre le violet et le bleu.

Oh la la, c’est fort çà !

Réfléchissez deux secondes. Chaque couleur découle de celles qui l’entourent. Par exemple, le vert est un mélange de bleu et de jaune ! C’est simple, non ?

J’ai compris ! Hurla Bouton d’or. Et l’orange est un mélange de jaune et de rouge !

Voilà, c’est cela ! Elles sont toutes solidaires les unes des autres.

Zary avait l’impression de faire la classe à des élèves attentifs. Les fleurs se trouvaient là, devant lui, buvant ses paroles. Le tableau était plutôt cocasse.

Il faudrait repartir à présent ! Sinon, il faudra passer une autre nuit dans la montagne ! L’isard se sentait responsable des fleurs et voulait les ramener à bon port.

C’est bon, on y va ! Tout le monde se leva et reprit le chemin en sens  inverse.

Bientôt, il fallut laisser Eddy à sa place, dans les anfractuosités de rochers. Il ne pouvait vivre que là, c’était son destin. Mais il jouissait d’une vue imprenable sur les sommets, et par endroits, il pouvait même apercevoir la prairie où vivaient ses nouvelles amies. Il dit au revoir à tout le monde, et nos trois fleurs « d’en bas » promirent de revenir le voir. Il faisait partie de leurs amis désormais.

Plus bas, Miss Gentiane se réinstalla au milieu des roches éparses, parmi les maigres touffes d’herbes disséminées çà et là. Elle aussi était ravie d’avoir partagé ces instants avec ses nouvelles amies. Elles se reverraient  en allant dire bonjour à Eddy là-haut.

Zary resta dans les parages et surveilla la descente des trois fleurs des champs. Lui non plus, ne pourrait pas vivre en bas, trop de dangers le guettaient. Là, il était chez lui, parmi les siens, et il savait lui aussi qu’ils se retrouveraient de temps en temps pour se raconter ce souvenir magnifique.  

Tonton Bleuet, Dame Coquelicot et Bouton d’or revinrent donc dans leur prairie. Elles se réinstallèrent auprès de la rivière qui les avait accompagnées jusqu’au bout de leur rêve. Un été radieux s’annonçait, le soleil brillait, le ciel affichait un bleu parfait… Mais chacune guettait un petit nuage qui, peut-être, allait faire venir la pluie, vous savez,  cette pluie fine qui laisse passer le soleil pour provoquer un arc-en-ciel…

Ce fut une aventure magnifique !